L'article du JDD d'aujourd'hui "Twitter fera-t-il +bugger+ l'élection" a le mérite de soulever indirectement quelques questions que se posent en ce moment les rédactions :
- quelle va être l'ampleur de la connaissance par le public via Internet des estimations de résultats avant l'autorisation officielle de diffusion à la fermeture du dernier bureau de vote?
- le débat politique et citoyen s'engagera-t-il bien avant 20h00 sur la toile et les réseaux sociaux, sans la participation interdite des journalistes ?
En d'autres termes, les débuts de soirées électorales vont-elles se dérouler, en grande partie, sans les médias traditionnels français ?
C'est désormais une possibilité. Même si nul n'est censé ignorer la loi de ... 1977.
Que dit-elle?
Or depuis 1986, date à laquelle j'ai commencé à suivre -- et parfois à couvrir -- les soirées électorales, je peux confirmer que le petit monde politique, médiatique et des sondeurs disposent des premiers résultats significatifs dimanche peu après 17h30, parfois un tout petit peu plus tard quand les résultats sont serrés. De nombreux coups de téléphone et SMS entre initiés sont échangés, mais le public, dans son immense majorité, doit attendre 20h00. Puis le débat public démarre sur les ondes.
Sauf que.... Sauf qu'Internet, une nouvelle fois, a tout bousculé.
Ce furent d'abord, depuis le début des années 2000, les sites des médias francophones belges et suisses, non concernés par la loi qui ne se privèrent pas de donner immédiatement ces estimations, dès que de bonnes âmes les leurs communiquaient depuis Paris.
Un éditeur belge me disait cette semaine, que le trafic est alors tellement important qu'ordre est donné aux techniciens d'alléger toutes les autres parties du site pour pouvoir tenir la charge de connexions sur la seule page des premiers sondages français! Les Français peuvent donc s'informer avant 20h00.
Depuis le Web 2.0, ils peuvent s'exprimer !
"Tout le monde devient un média", avait lui-même reconnu Nicolas Sarkozy lors de ses voeux à la presse début 2012. Dès lors, la loi s'applique-t-elle aussi aux 28 millions de Français qui sont sur Facebook ou aux plus de 5 millions de Français qui ont un compte Twitter? Parmi eux nombreux sont ceux qui voudront prendre connaissance de ces chiffres, les partager et les commenter.
Interrogé par le JDD, la commission des sondages nous dit qu'une "telle action tombe sous le coup de la loi". Mais pas les SMS (des hommes politiques, des journalistes, des instituts de sondage avant 20h00)!
Donc la diffusion "one to one" semble permise mais pas celle qui fonctionne en "one to many". La commission ajoute qu'elle va "mettre en garde les médias et les particuliers contre une telle dérive".
Si effectivement, les médias traditionnels n'ont pas l'intention d'enfreindre la loi, difficile d'empêcher les citoyens de parler, non?