10 questions à se poser avant de se lancer sur tablette

Par Alicia Tang, France Télévisions, Direction de la prospective 

La tablette peut-elle aider une bonne fois pour toute la presse et changer le journalisme ? La tablette, qui s’est imposée depuis 2010 avec l’iPad, n’est plus perçue comme un deus ex machina au secours de la presse, mais entend bien en devenir un atout non négligeable, et peut-être même indispensable.

« A quoi ressemblera la presse et les journaux en 2030 ? » a interrogé Cyril Petit, rédacteur en chef des éditions du JDD lors de la 22e édition du CFPJ Lab il y a quelques jours à Paris. Certainement à un savant mélange entre print et numérique. « Il y a un temps et un support pour tout, la presse ne va pas mourir ».

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1La presse et le numérique : un marché en plein essor

En 2014, 1,94% des ventes totales de presse en France étaient numériques. Selon Philippe Rincé, Directeur Général de l’OJD, 70 à 80% des ventes numériques de la presse se feraient sur tablette.

Le Monde et Les Echos comptabilisent déjà 20% de leurs ventes sur le numérique et tendent toujours plus à se développer sur ces supports. La presse quotidienne nationale est en général celle qui vend le plus en numérique. Logique, étant donné que c’est elle qui a subi la plus forte baisse ces dernières années et qu’elle a donc été la première à chercher des alternatives pour se relancer..
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2Comment la tablette change-elle le paysage médiatique international ?

La tablette casse le rythme de diffusion des médias. Ainsi, L’Obs est devenu un quotidien magazine, Ouest France un quotidien national, Le Monde un quotidien du matin et La Croix va devenir un quotidien du soir. Notons que ce nouveau support provoque également une internationalisation des journaux, comme ce fut le cas pour La Presse, quotidien canadien devenu précurseur et modèle en termes de développement numérique. Dès l’apparition et l’essor de la tablette, son Directeur Guy Crevier décide de tout parier sur le développement d’un quotidien gratuit sur tablette, La Presse +. Depuis, c’est tout le process interne qui s’est inversé : la majorité de l’équipe est dédiée au support tablette et y travaille toute la journée ; le soir, une petite équipe s’occupe de transposer les contenus numériques au support papier. Le bilan est actuellement de 150 000 téléchargements par jour (contre 210 000 exemplaires papier avant le lancement de la version tablette), et le journal a déjà vendu ses technologies à deux autres médias au Canada.

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3La lecture de la presse est le premier usage de la tablette

Selon une étude du Web Observatoire (réalisée au Q3 2014), la consultation de la presse est l’usage media principal des français sur Internet, devant la vidéo donc et la consultation de recettes de cuisine. Il s’agit d’une audience CSP+ dans la trentaine, souvent déjà lectrice de la presse papier et plutôt prête à payer pour avoir accès à des contenus sur leur tablette. Chez les plus jeunes, c’est néanmoins le smartphone qui semble être privilégié.

« Il faut 3 clics pour s’abonner sur sa tablette » a précisé Cyril Petit, soulignant que cet écran avait pour avantage de faciliter aux clients le paiement en ligne.

Proposer du contenu sur ce support semble donc aujourd’hui devenir une nécessité, sachant que jusqu’à 15% de la diffusion de certains titres est réalisée sur tablette.

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4 Comment adapter son contenu à la tablette ?

La tablette présente de nombreux points communs avec le journal et s’impose naturellement en continuité de celui-ci : même format, sollicitation du cerveau, importance de la vue et du toucher, prix assez proches de ceux dans le print et qualité des contenus comparable à l’offre papier.
Mario Garcia, designer et consultant média, souligne également que le geste et la temporalité de lecture sur tablette sont similaires à ceux du journal : penché en arrière ou allongé dans son canapé, le lecteur se relaxe, a plus de distance que s’il était sur son ordinateur ou son smartphone. En effet, ces deux écrans sont ceux de la rapidité, et la position de l’utilisateur est plutôt penchée en avant.

Pour Cyril Petit, « la tablette est un support sensoriel et sensuel qui permet d’arrêter le temps sans en perdre ».

Rappelons que les Français utilisent finalement peu la tablette de manière mobile et privilégient son usage tôt le matin, en soirée, voire tard dans la nuit. 80% des contacts sont ainsi réalisés dans les foyers. La tablette reste néanmoins un support mobile car elle permet de faire venir le journal au lecteur et non plus l’inverse.

Usages ecrans

Vincent Mas, concepteur d’outils de production sur tablette, distingue cinq familles de contenus sur tablette :

  • Le PDF simple, un réplica de la maquette du print.
  • Le PDF enrichi, c’est-à-dire qu’en plus du contenu print, des boutons ont été ajoutés sur la maquette en post-production afin de proposer des diaporamas, du son ou encore des bonus.
  • Le PDF avec reflow permet quand à lui une lecture légèrement différenciée : le texte est lisible hors de la mise en page et le confort est amélioré (augmentation de la police, liste des articles disponible sur le côté). La majorité des quotidiens actuels proposent ce type de contenus.

Le PDF a pour avantage d’être peu cher et facile à utiliser. Il est basé sur un format standard, est comptabilisé par l’OJD et est diffusable sur de nombreux kiosques en ligne.

  • La maquette dédiée répond à un véritable travail de mise en page avec l’aide des Directeurs Artistiques. Le contenu est calé à la tablette, comme l’application Le Monde et son principe d’accordéon. Du point de vue de la production, celle-ci ressemble à celle d’un site web, avec notamment l’utilisation de gabarits.
  • La mise en page dédiée manuelle répond au même schéma de production que pour le print, avec l’intervention de nouveaux outils pour apporter de l’interactivité (pop up, diaporama). C’est le modèle le plus adapté et qui propose une vraie valeur ajoutée, mais c’est également celui qui demande le plus de travail car c’est une refonte totale du magazine. De plus, il demande une structuration du contenu et une mise en page adéquate qui passe en général par un prestataire qui est donc propriétaire du format. Cela peut enfin poser problème lors de changements de technologie car il faut ensuite traduire les contenus en fonction de ces évolutions.

Vincent Mas a par ailleurs précisé qu’il faut faire attention au contrat de lecture entre les différentes applications, et essayer d’avoir une continuité entre son application de flux pour smartphone et son application pour tablette (si elles diffèrent), afin ne pas donner une impression « d’aller/retour » aux lecteurs.

510 questions à se poser avant de se lancer

  1. Gratuit ou payant ? Si le modèle est payant comme le suggére Cédrix Naux, secrétaire général numérique de Bayard, afin « d’éviter de réitérer l’erreur du web gratuit », à quel prix proposer le contenu sachant qu’il doit obligatoirement être inférieur à celui du papier ?
  2. Avec ou sans pub ? Dans le cas où le modèle contient des publicités, penser à les adapter au support (Native Ads)
  3. Connecté ou non ? Est-ce que les lecteurs doivent télécharger l’ensemble du journal avant de pouvoir le lire ?
  4. Horizontal ou vertical ? Notons que si l’on choisit les deux, cela signifie deux fois plus de travail. Actuellement, même si les utilisateurs lisent majoritairement en horizontal, de nombreux éditeurs tendent à proposer les deux en vue du développement des phablettes qui favorisent une lecture verticale.
  5. Quelle place pour les pop up ? Sachant que 60% des lecteurs ajustent au toucher la taille du contenu ?
  6. Quelle utilisation de l’image ? Même s’il s’agit du format le plus efficace pour rentrer dans un article, cela nécessite de proposer des visuels de qualité qui sont donc plus volumineux.
  7. Quel geste ? Le lecteur doit-il taper, doubler, taper, pincher… ? L’ergonomie des contenus doit également être pensée pour ne pas être désagréable (attention particulière pour le pouce)
  8. Indication d’un mode d’emploi ou non ? Certains soutiennent qu’un mode d’emploi rime avec application ratée tandis que d’autre préconisent un espace où le lecteur pourrait potentiellement aller chercher plus d’informations s’il le souhaite, mais ce plutôt en fin de journal.
  9. Quelle navigation et chemin de fer ? Actuellement, la navigation en croix est privilégiée : de bas en haut pour aller en profondeur sur un sujet, et de gauche à droite pour changer de sujet ou d’article.
  10. Comment attirer le lecteur ? La stratégie marketing doit être au cœur du développement des contenus sur tablette et la possibilité de tester ou encore de feuilleter semble être un levier positif pour de potentiels acheteurs.

A ne pas négliger non plus, l’importance croissante des phablets dans la consommation de médias, comme le montre ce graphique de Business Insider

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Pour aller plus loin : PETIT Cyril et MAS Vincent, La presse sur tablette, Les journaux et magazines de demain ? Réussir sa publication numérique, Edition CFPJ, 2014

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