Par Alexandra Yeh, France Télévisions, Direction de l'Innovation
On s’en doutait, une étude de l’Observatoire européen de l’audiovisuel est venue le confirmer : le marché de la SVOD se porte très bien en Europe. Mais les taux de croissance à deux, voire trois chiffres cachent une autre réalité : la croissance du secteur est drivée par un petit nombre d’acteurs (Netflix et Amazon) et de pays (les pays du Sud rattrapent leur retard sur la Scandinavie et le UK).
128% de croissance par an pour les recettes de la SVOD
Oui, vous avez bien lu : entre 2011 et 2016, les recettes générées par la SVOD ont connu une croissance fulgurante de 128% par an en moyenne dans l’Union européenne (106% si on considère tout le continent européen), pour atteindre un chiffre d’affaires de 2,8 milliards d’euros en 2016. Une croissance spectaculaire… mais à remettre en perspective en regardant le détail des recettes pays par pays : on comprend alors que les cinq premiers pays (Royaume-Uni, Allemagne, Suède, Danemark, Norvège) représentent à eux seuls 70% de ces recettes.
Même chose lorsque l’on observe le taux de pénétration de la SVOD en Europe : les disparités sont immenses, même parmi les cinq premiers pays, avec un taux de 53% de foyers abonnés en Norvège en 2016 qui tombe à 28% en Finlande. À noter que dans ce classement des pays où la SVOD est la mieux implantée, quatre des cinq premières places sont trustées par les pays scandinaves, qui sont décidément les moteurs de la SVOD sur le vieux continent avec le Royaume-Uni et l’Allemagne. La France, elle, est 15e avec un taux de pénétration de 10%.
Conséquence logique, la croissance du nombre d'abonnements à des services SVOD ralentit dans les pays où elle est déjà très implantée. Mais pas d’inquiétude à avoir, selon l’Observatoire : même sur ces marchés, le nombre de souscriptions continue d’augmenter, avec 20% de croissance en Norvège et près de 50% au Royaume-Uni et en Allemagne. Dans les pays aux taux de pénétration plus faibles, on retrouve une croissance fulgurante en 2016, avec des croissances de plus de 100% en France, Espagne et Italie. La croissance est plus timide dans les pays d’Europe centrale et de l’Est, ce qui s’explique selon l’Observatoire par une connexion à Internet moins performante dans ces régions.
La SVOD explose… mais la pay-TV n’est pas morte
La croissance fulgurante de la SVOD ne doit pas faire oublier que son poids demeure relativement restreint sur le marché de la télévision payante : en 2016, elle ne représentait en effet que 18% des abonnements payants, offres linéaires et à la demande confondues.
La SVOD est toutefois appelée à grappiller de plus en plus de parts de marché. Elle est d’ores et déjà devenue le moteur de la croissance de la VOD payante (elle représentait 66% du marché en 2016, contre 11% en 2011), comme le montre le graphique ci-dessous, qui compare les taux de croissance de la SVOD et de la TVOD (transactional video on demand, c’est-à-dire la VOD payante à l’acte) entre 2011 et 2016.
Mais attention à ne pas déclarer trop vite la mort de la pay-TV : il n’y a pour l’instant aucune preuve, souligne l’Observatoire européen de l’audiovisuel, d’un phénomène de cord-cutting en Europe, c’est-à-dire d’un abandon de la TV linéaire payante au profit d’offres SVOD, contrairement à ce que l’on observe aux Etats-Unis. Une différence qui s’explique, selon l’étude, par le fait que le taux de pénétration de la pay-TV est beaucoup plus important aux Etats-Unis qu’en Europe, et que les abonnements à cette TV linéaire payante sont beaucoup plus onéreux outre-atlantique. D’où une tendance des Américains à remplacer leurs abonnements au câble par des abonnements à des services SVOD, tandis qu’en Europe les offres SVOD viennent plutôt compléter un abonnement à un bouquet pay-TV.
Cette tendance pourrait toutefois s’inverser avec les années, à mesure que les jeunes générations arrivent à l'âge de s’installer et de choisir elles-mêmes leurs abonnements : il est très probable que les « cord-nevers » (ceux qui n’ont jamais souscrit à un abonnement pay-TV traditionnel) continuent sur leur lancée et préfèrent des offres SVOD à un abonnement linéaire classique.
Un marché drivé par quelques acteurs
Avec 47% des abonnements à un service SVOD dans l’UE, Netflix est sans surprise le leader sur le marché, suivi par Amazon qui représentait 20% des souscriptions en 2016 (un chiffre qui a augmenté depuis, la plateforme ne s’étant pleinement déployée en Europe que fin 2016). La croissance du marché est donc incontestablement tirée par ces deux géants.
Le choix ne manque pourtant pas en matière de SVOD sur le Vieux Continent, qui compte pas moins de 197 services différents. HBO, l’autre grand acteur américain, n’a d’ailleurs pas réussi à trouver sa place parmi cette offre pléthorique et arrive 8e en Europe avec 1% du marché, juste derrière Canal Play.