RAD, le labo de journalisme de Radio Canada qui bouscule le JT de Papa
Par Jérôme Cathala, Directeur des affaires internationales, Secrétaire général adjoint
Comme souvent dans les expériences numériques, RAD a d’abord commencé à publier des vidéos sans aucune forme de communication. C’était en mai 2017, et les résultats ont été jugés assez probants pour que le lancement officiel ait été finalement organisé cette semaine à Montréal.
RAD est donc le “Laboratoire de journalisme” de la partie francophone du groupe audiovisuel public canadien Radio Canada (TV et radio), c’est à dire un espace où on se permet de traiter l’actualité d’une façon différente que sur RDI, la chaîne tout info, ou dans les JT des chaînes généralistes.
La différence est d’abord sur le fond, puis sur la façon de l’approcher.
L’équipe de RAD -simplement un diminutif de Radio Canada- ne traite pas le hard news, mais les « affaires publiques » comme on dit au Canada (les sujets magazines, d’approfondissement, qui requièrent plus de deux minutes).
C’est ensuite plus l’approche, le ton qui font la différence avec les JT traditionnels, que la forme qui peut parfois se révéler parfois assez classique .
Mais par dessus tout, ce sont trois points majeurs qui donnent à RAD son impact particulier:
1Tous les sujets déclinés en un « parcours » d’info en trois formats
La « bible » de ce parcours est simple mais impérative. Chaque sujet doit faire l’objet de trois formats:
- Explicatif (c’est la base, les éléments de compréhension de la problématique)
- Le terrain
- L’expérimentation. Chacune de ces 3 « capsules » est plutôt longue : autour de 6 à 8’. Et majoritairement, le public les regarde jusqu’au bout. L’objectif est d’ailleurs de donner l’opportunité et l’envie à l’audience de voir les 3 capsules, quelle que soit la porte d’entrée.
2Une équipe multidisciplinaire de 15 personnes
5 journalistes , des développeurs, une « stratège » venue d’une agence marketing, des vidéastes, un monteur cameraman.
En termes d’âge, l’équipe représente le public ciblé (18-34. En réalité, RAD touche les 25-30, ce qui représente un énorme gap générationnel – le public moyen de la chaîne RDI a …65 ans). Les journalistes de l’équipe étaient tous déjà à Radio Canada.
L’idée était de les faire tourner sur des rotations de 6 mois. Mais cela s’est révélé impossible. La direction prévoit maintenant de les changer progressivement sans déstabiliser ce qui fonctionne.
Dernier point: ils ne sont pas intégrés physiquement dans la rédaction …pour maintenir leur créativité
3Un choix de sujets collégial et en coopération avec l’audience
Pas de conférence de rédaction, pas de présence de rédacteur en chef: les décisions sont collégiales!
Les journalistes pitchent leurs sujets devant toute l’équipe. Un vote permet de décider si on y va ou pas. Petit écueil: les sujets intéressent ceux qui les présentent pour des raisons parfois assez personnelles ( ex: sujet sur un mouvement de « no children », des jeunes adultes qui décident de ne pas avoir d’enfants pour des raisons politiques ou environnementales). Mais cela ne dérange pas la direction de l’info.
Des questions peuvent aussi provenir du public par les réseaux sociaux et ainsi lancer un sujet ou le continuer.
Les liens joints permettent de se faire une idée des sujets traités, qui vont du choix d’une filière professionnelle après le lycée jusqu’à un « parcours » sur les deux Corée (ici et là aussi) en passant par les aides médicales pour ceux qui souhaitent mourir.
Distribués sur les plateformes sociales -d’abord Facebook puis Instagram et bientôt YouTube– ces traitements de l’info RAD style trouvent un public. L’idée étant de créer des communautés, de faire en sorte que les gens interagissent, se répondent, l’engagement de l’audience est jugé par la direction de l’info de grande qualité, et c’est cela qui importe.
Disponibles également sur le site Radio Canada et la page Facebook Info, la direction ne s’interdit pas de diffuser une vidéo ou un autre dans le JT de 22h. Cela reste rare mais se fait lorsque l’actualité demande un approfondissement et du fait que ce JT accepte des sujets de 6’.
En termes de quantité, il faut diffuser au moins une nouvelle vidéo tous les deux jours.
Comment tirer profit de ce ton, de ces façons de faire pour toute la rédaction ?
Première réponse: faire changer doucement l’équipe de RAD et envoyer les « anciens » évangéliser les journalistes télé.
Deuxième réponse: la RAD Academy ! Il s’agit d’abord d’aider les collègues des stations régionales à comprendre puis monter chez eux une sorte de démarche RAD pour qu’ils produisent de cette façon. Et en même temps devenir des « correspondants » RAD partout dans le pays.
Il va ensuite être accueillis des stagiaires d’université cet été. Ils vont produire des contenus. L’Idée derrière cela est de confronter directement l’équipe avec son public. Et peut-être aussi d’identifier des futurs contributeurs.