Par Barbara Chazelle, France Télévisions, Prospective et Media Lab
Pas facile pour les médias de suivre les changements d’algorithme de Facebook pour optimiser l’engagement de leurs communautés. Faut-il poster une photo ? Une vidéo ? Faire un live ? Depuis 2018, la politique de la plateforme de Mark Zuckerberg est de privilégier les contenus générant des « meaningful interactions » entre personnes plutôt que de mettre en avant les contenus des marques.
Dans ce contexte, les groupes, qui favorisent la discussion et les commentaires, sont devenus un outil intéressant, d’une part car ils remontent bien dans le newsfeed et d’autre part, car ils permettent de construire de nouvelles communautés autour de thématiques.
Le Figaro s’est lancé en février 2018 avec un groupe autour de la littérature et compte aujourd’hui près de 4440 membres, dont 3700 membres actifs. Lors de la 3ᵉ édition des 12 heures de l’agilité numérique, Marie-Amélie Putallaz qui dirige le service de journalistes social média du Figaro, a donné quelques conseils pour animer un groupe « sain et sympa ».
Pourquoi créer une communauté ?
Si les groupes Facebook remontent bien dans le fil d’actualité, ils ne sont pas de très bons vecteurs d’audience. Avec cet outil, Facebook cherche à faire passer du temps sur la plateforme à leurs utilisateurs via la discussion et non à faire circuler les internautes sur d’autres sites.
Si vous avez compris que le trafic seul n’est pas suffisant pour faire vivre une marque, les communautés sont un bon moyen de :
- Créer de la notoriété sur une thématique liée à sa marque
- Recruter des ambassadeurs
- Fidéliser
- Proposer des produits ou des services spécifiques
- Monter des opérations spéciales
Des journalistes qui aiment la discussion
L’animation d’un groupe est particulière exigeante. Bien évidemment, en interne, mieux vaut recruter des journalistes connaisseurs de la thématique du groupe en question, mais ce n’est pas suffisant. Marie-Amélie Putallaz conseille de trouver « des animateurs de communautés motivés, qui aiment la conversation sur Internet. »
Il faudra aussi en mobiliser en nombre suffisant (une CM et 2 journalistes pour le Club de lecture du Figaro), car il faut toujours avoir un œil sur ce qui se passe dans le groupe, soir et week-end compris. Pas question de laisser la conversation déraper !
« On a encore une vision très top down du journalisme. Dans un groupe, le journaliste se met au même niveau que les autres membres et accepte de s’engager y compris dans un post qu’il n’a pas écrit. J’ai vu beaucoup de groupes se créer en même dans que le nôtre, mais qui se sont arrêtés quelques mois plus tard à cause de ce manque de goût pour la discussion », alerte Marie-Amélie Putallaz.
Côté communauté, le recrutement s’est d’abord fait avec des amis et des proches intéressés par le sujet, ce qui a permis d’avoir un environnement bienveillant dès le départ. L’idée est d’engager un maximum les membres du groupe, mais aussi de les valoriser selon leur profil et envies pour qu’ils retirent quelque chose de positif de l’expérience. L’attribution de badges peut être une option. Au Figaro, on délègue volontiers la modération et une partie de l’animation aux membres les plus assidus. Personne n’a jamais demandé de rémunération selon la responsable social media du journal.
Des contenus spécifiques, pas un relai promotionnel
Concernant les publications, le Figaro mise sur des contenus spécifiques qui feront la valeur ajoutée de ces groupes. Ainsi, le Club de lecture lance des sujets de discussion, des sondages, propose une lecture du mois avec un débrief en vidéo live où un membre du groupe est invité pour débattre, édite des comptes rendus de commentaires.
Les membres ajoutent à cela leurs conseils de lecture, des questions, bons plans, citations et des liens vers des articles.
Marie-Amélie Putallaz conseille d’y aller à petite dose sur le relai de contenus de la marque média. Le groupe n’est pas là pour être inondé d’articles ou vidéos du Figaro, ni pour faire la promotion de produits ou d’événements du journal. Ce n’est pas interdit, mais la modération est de mise.
Une charte de modération claire, souple et évolutive
La modération de groupes demande une connaissance fine de la communauté.
« Il est nécessaire de faire preuve de plus de diplomatie et de finesse que sur les pages… au risque de braquer tout ou partie de la communauté. L’affect est fort dans un groupe. Si l’on refuse un texte ou une contribution, il faut pouvoir justifier cette décision », explique Marie-Amélie Putallaz.
Si une charte de modération, mise en avant sur le groupe, est nécessaire, il faudra aussi de la souplesse.
« Humour, humilité et transparence sont bienvenus », ajoute Marie-Amélie Putallaz.
Et si demain Facebook fait marche arrière ?
Comme nous l’avons rappelé en introduction, il n’est pas exclu que Facebook change de stratégie d’un jour à l’autre et relaie les groupes au bas du newsfeed.
La responsable social media du Figaro rappelle que le concept de communauté est vieux comme le web. La question à se poser est donc : que devient ma communauté sans Facebook ? Où puis-je la réunir ? Un forum, un groupe WhatsApp, une newsletter ?
Les groupes Facebook ne sont qu’un outil parmi d’autres. Une communauté bien établie pourra certainement leur survivre.