Par Laure Delmoly, France Télévisions, MediaLab
Forbidden stories, le collectif qui poursuit les enquêtes de journalistes menacés ou assassinés s’empare du sujet climat. Green Blood Project est le résultat d’une enquête collaborative mondiale sur le coût humain et écologique de l’industrie minière. 40 journalistes, 15 médias (dont France Télévisions) et 8 mois d’enquête pour dénoncer des crimes environnementaux en Inde, au Guatemala et en Tanzanie. Le projet fait l'objet d'une série documentaire disponible en replay sur france.tv.
Dénoncer des crimes environnementaux sur 3 continents
Green Blood Project révèle les scandales liés à l'extraction minière à l'échelle de trois continents : l’Asie, l’Amérique latine et l’Afrique.
1. En Inde avec l'assassinat de Jagendra Singh qui enquêtait sur la compromission d’un ministre de l'Uttar Pradesh dans les mafias d'extraction du sable.
2. Au Guatemala avec l’enquête de Carlos Choc. Ce journaliste a dénoncé les conséquences de l'exploitation de la plus grande mine de nickel du pays - détenue par le groupe russe Solway - sur les habitants de El Estor. Il fait aujourd'hui l’objet d’un mandat d'arrêt.
L'une des plus belles rencontres du projet #GreenBlood. Carlos Choc, journaliste guatémaltèque condamné à la clandestinité à cause de son enquête sur une mine de nickel. En attendant le film, les plus beaux mots d'@annemichel_LMhttps://t.co/VSx9y5clUY
— Arthur Bouvart (@ArthurBouvart) June 19, 2019
3. En Tanzanie où le journaliste Jabir Idrissa a révélé les agissements autour de l'extraction de la mine d’or de Mara-Nord. Il a ensuite été mis à l’écart de toute activité journalistique.
L'enquête a été publiée la semaine du 17 juin 2019 dans 30 organes de presse du monde entier.
Le projet de documentaire - réalisé par Arthur Bouvart et Jules Giraudat - était intégré à l'enquête.
"Ce qui nous a plu dans le projet, c'est le parti pris audacieux d'écrire un documentaire avec les codes de fiction : le récit feuilletonnant. Green Blood Project, ce n'est pas un sujet par épisode mais plusieurs histoires entrelacées qui avancent au fil des 4 épisodes"explique Anne Gouraud, Directrice déléguée du pôle documentaire Découverte/Science de France tv.
"Le temps long du documentaire permet de rendre compte de l'impact de la publication de l'enquête dans la presse internationale en juin 2019 : l'usine en Amérique latine a fermé et l'extraction de sable en Inde est désormais interdite en dehors des quotas légaux" ajoute Anne Gouraud.
Une collaboration journalistique internationale
Forbidden Stories est un collectif international fondé en 2017 par Laurent Richard, ancien journaliste de l'équipe Cash Investigation. Le collectif a été créé suite à l'assassinat de la journaliste Daphné Caruana Galizia. Il est composé de 40 journalistes d'investigation (presse, radio, tv) issus de différentes rédactions : BBC, The Guardian, Le Monde, France Télévisions, Radio France, Expresso, Süddeutsche Zeitung, Die Zeit, El Pais.
Son objectif ? Reprendre le travail de journalistes menacés, emprisonnés ou assassinés.
"Il s'agit d'envoyer un message aux ennemis de la liberté de la presse : vous pouvez tuer le messager, vous ne tuerez pas le message" Laurent Richard, Journaliste de Cash investigation & Fondateur de Forbidden stories
"Le collectif Forbidden Stories va à l'encontre de la manière dont les journalistes ont été formé : l'idée que les journaux sont rivaux, que nous sommes en compétition pour obtenir un scoop."Juliette Garside, The Guardian
Une menace de plus en plus forte sur les journalistes environnement
"Enquêter sur l'environnement, ce n'est pas juste écrire sur les ours polaires, lire des rapports scientifiques ou aller à des conférences sur le climat. C'est aller sur le terrain là où les gens se battent pour protéger leur terre et leur environnement" Jonathan Watts, The Guardian
En 2015, Reporter sans frontière dénonçait déjà la censure des journalistes environnementaux.
La répression violente contre le journalisme environnemental s’aggrave dans le monde https://t.co/iYydUWYgki pic.twitter.com/nkbXm2YP6X
— Reporterre (@Reporterre) December 8, 2015
Selon le Committee to Protect Journalists, 13 journalistes ont été assassiné pour avoir enquêté sur des scandales environnementaux depuis 2009. Le CPJ enquête sur 16 autres décès suspects.
Green Blood Project prouve que la collaboration au delà des frontières permet aux journalistes de se faire entendre sur des enjeux environnementaux cruciaux. "Avec le succès des Panama Papers, nous avons compris que plus on est nombreux, plus on a d'impact" analyse Juliette Garside du Guardian.
* Le documentaire Green Blood Project, French Kiss production/ Forbidden stories /France Télévisions/Ushuaia TV
** Visionnez Green Blood Project sur france.tv
Source photo : france.tv