La capture d'écran de la version française de BuzzFeed, lancée aujourd'hui à Paris, illustre bien la recette gagnante du site américain : des listes et des lolcats ! Sur 9 articles visibles, 8 listes et 2 lolcats !!!
En scrollant plus bas, c'est encore pire ! Et l'accueil des étudiants de l'Ecole de Journalisme de Sciences Po, lors du lancement dans leurs murs, a d'ailleurs été frais. Voire un peu conformiste. Sur le thème : "comment pouvez-vous mettre sur le même niveau la guerre en Syrie et des chiens qui dansent ?". Car BuzzFeed c'est aussi du journalisme sérieux avec 130 journalistes, des embauches récentes prestigieuses (dont un Pulitzer), des ambitions en journalisme d'investigation et de réseau de correspondants à l'étranger. En gros, tout ce qui est réduit en ce moment dans les médias classiques.
Mais c'est bien le coeur du problème. Car jamais le journalisme n'a été un business qui se finançait tout seul, "a stand-alone business" comme disent les anglo-saxons. Il a toujours été subventionné par des activités tiers qui n'avaient aucun rapport avec lui : petites annonces, publicité, programmes TV, aides de l'Etat, etc. La réussite de BuzzFeed c'est d'avoir trouvé ce qui pouvait aujourd'hui le financer. Il l'a trouvé dans les réseaux sociaux, là où vivent les jeunes aujourd'hui.
"Regardez vos comptes Twitter et Facebook, résume Dao Nguyen responsable du développement de BuzzFeed, ils sont remplis de sujets sérieux, de scoops, de reportages de qualité, et d'autres qui le sont moins, souvent drôles ou émouvants". BuzzFeed fait pareil.
Le patron de Storyful, David Clinch, le disait autrement il y a quelques jours lors de la conférence de l'ONA à Atlanta: "aujourd'hui, pour financer les brocolis, vous avez besoin de gâteaux ! ".
Les gâteaux, chez BuzzFeed, ce sont des lolcats, des animaux drôles, de l'émotion, des infos visuelles, des quizz, des vidéos qui font le buzz (50 millions de vidéos par mois sur YouTube), des photos, et des... listes ! Tous les ingrédients de la nouvelle culture web !
Pour l'instant, BuzzFeed France affiche donc plus de confiserie que de légumes verts ! Il est vrai que le site francophone est seulement alimenté depuis New York par une journaliste embauchée localement et par des traductions de ses billets US réalisés par des étudiants d'une plateforme d'enseignement de langues étrangères. Une petite rédaction et une équipe pub en France ne sont pas exclues à terme.
Mais aux Etats-Unis, ça marche ! 80 millions de visiteurs uniques par mois, triplement du trafic en un an grâce à ses fameuses articles-listes qui plaisent aux algorithmes de Facebook et sont conçus pour être partagés, et si possible viralisés, au sein de communautés web ciblées. 75% du trafic vient des réseaux sociaux et la moitié est consommé en mobilité. Des versions hispanophones et lusophone viennent aussi d'être lancées.
Reste donc à voir si ce mix de culture web et de contenus sociaux marche en France ! Normalement oui, car il est inspiré directement du modèle du café parisien, avait expliqué il y a quelques mois le patron de BuzzFeed !