Alors que l’on pensait la newsletter comme une espèce en voie d’extinction, les outils du Web3 lui donnent un nouveau souffle Non seulement, la newsletter permet aux journalistes comme aux rédacteurs professionnels de présenter leur contenus sous une forme originale et digeste, mais,elle bénéficie aujourd’hui des outils du Web3 pour rassembler des communautés fortes au centre d’une relation durable. Le festival de la newsletter, organisé au sein de Medias en Seine, événement consacré aux médias de demain, revenait sur les nouvelles pratiques et un nouveau dialogue entre les producteurs de contenu et leur public.
Par Victor Lepoutre, Direction de l’Innovation
Considérer la newsletter comme un média de demain pouvait, il y a quelques années, en surprendre certains. De nouveaux outils tels que Substack, Ghost ou Revue by Twitter ont cependant redonné vie à ce support. A l’inverse de Mailchimp ou Sendinblue, pensés avant tout pour les équipes marketing, ces plateformes sont davantage destinées aux rédacteurs, journalistes et autres producteurs de contenus éditoriaux. Elles permettent à ces derniers de bénéficier d’un système de monétisation par abonnement, fruit d’une relation plus qualitative avec leurs lecteurs.
La newsletter éditoriale: un lien privilégié entre l’auteur et ses lecteurs
Outre une entière liberté éditoriale, la newsletter a un premier avantage aux yeux des rédacteurs: elle leur permet de parler directement à leurs lecteurs sans subir la loi de algorithmes mis en place par les réseaux sociaux. En effet, à l’heure de l'infobésité et du surplus d’information, les lecteurs sont à la recherche de contenu sélectionné et de qualité.
“La newsletter permet de communiquer directement avec des lecteurs qui, en s'abonnant à celle-ci, recherchent un lien direct avec son auteur, sa personnalité, sa vision et son style éditorial” rappelle Marie Dollé, autrice de la newsletter In Bed With Tech, elle même publiée sur Substack. Une connexion particulière, plus intime, qui favorise le taux d’ouverture compris entre 50% et 60% pour les newsletters éditoriales contre 30% en moyenne pour une newsletter marketing classique. “Travaillez à la valeur ajoutée de votre newsletter et rédigez clairement votre promesse éditoriale” conseillait Jean Abbiateci, Fondateur de la newsletter Bulletin, lors d’un atelier sur la professionnalisation de la newsletter dans le cadre de Médias en Seine. Une landing page efficace permet également, selon lui, de gagner en visibilité et favoriser le partage. Insérer des calls-to-action incitant au partage de la newsletter permettent aussi de gagner des lecteurs facilement.
Un modèle d’abonnement en croissance mais qui montre ses limites
Depuis plusieurs années, les modèles de monétisation comme ceux de Substack font fureur. Pendant la pandémie mondiale, de nombreux journalistes ont quitté les rédactions de grands médias pour rejoindre la communauté des “Substackerati”. Pour attirer les lecteurs, les créateurs peuvent rendre visible une partie de leur contenu, ou un exemple d’une newsletter passée. Si le contenu leur plaît, les lecteurs n’hésiteront pas à s’abonner pour avoir accès aux prochaines newsletters. Une bonne manière pour les auteurs de construire leur communauté pour ensuite se rémunérer.
Des fonctionnalités que les plateformes n’hésitent d’ailleurs pas à mettre en avant. “Cela fait maintenant un an que j'ai quitté mon emploi à temps plein pour me lancer à fond dans Tangle. Aujourd'hui, nous avons plus de 5 500 abonnés payants. Cela représente environ 300 000 $ de revenus annuels bruts... c'est le travail le mieux rémunéré que j'aie jamais eu.” peut-on lire en témoignage sur Ghost. Cependant, gagner des abonnés peut parfois relever du parcours du combattant pour certains créateurs, notamment en ce qui concerne les générations les plus jeunes. Selon le Digital News Report, publié par l’Institut Reuters, l'âge moyen d'un abonné à une source d'information payante est de 47 ans, pas moins. Pour Marie Dollé, il s’agit moins d’un problème de fond, mais de forme : “basées sur une technologie archaïque, les newsletters ont du mal à s'intégrer dans des expériences plus complètes alors que justement, les publics plus jeunes recherchent des interactions plus riches à l'image des formats qu’ils consomment sur TikTok”. Les plateformes telles que Substack et Ghost ont également été critiquées pour leur lenteur dans l’intégration de nouvelles fonctionnalités.
Grâce au Web3, la newsletter s’entoure de riches expériences
En solution à ce problème, la start-up française Polyphène a développé Crowd Connect. Ce nouvel outil, basé sur la blockchain, permet de connecter la plateforme de publication d’origine (Substack, Revue, etc..) à une multitude d’outils d’animation de communauté. En se connectant une seule fois, l’auteur peut communiquer avec sa communauté de lecteurs par sa newsletter mais aussi via des applications de messageries (Slack, Telegram, Discord…), et par visio-conférence (grâce à Zoom, Google Meet ou Skype) ou encore organiser des événements (grâce à Eventbrite ou Meetup par exemple…).
Mieux connecté à ses lecteurs, le créateur de contenu a donc tous les outils à sa disposition pour interagir avec eux et leur proposer une valeur ajoutée croissante en fonction de leur abonnement. C’est justement le modèle qu’à choisi The Big Whale, un nouveau média dédié au Web3, aux crypto-monnaies et aux NFTs (la plateforme choisie par Emmanuel Macron pour partager ses idées autour du Web3). Chaque mercredi, le média propose une newsletter gratuite d’initiation au Web3 et chaque jeudi une newsletter payante intégrant des infos exclusives, des décryptages et des enquêtes. Mais les abonnements à The Big Whale comprennent bien plus qu’une newsletter premium. Ils donnent accès à des événements, mais aussi et surtout des discussions privées sur la messagerie Discord. Le média y propose des interviews et y partage des infos exclusives, tout en y cultivant un lien fort avec sa communauté. “Sur Discord, nous proposons une interview exclusive tous les lundis, et je réponds aux questions des membres quotidiennement. J’y reçois également beaucoup de soutien de la part de la communauté, ce qui m’aide à avancer dans le bon sens” déclarait Grégory Raymond, co-fondateur de The Big Whale, au festival Médias en Seine.
Les airdrops et NFTs, liant ultime des communautés nouvelle génération
Pour toujours mieux récompenser les membres les plus impliqués de sa communauté, quoi de plus naturel pour un média spécialisé dans le Web3 que de distribuer NFTs et crypto-monnaies. Chez The Big Whale, les abonnés annuels, et abonnés fondateurs, sont éligibles à des airdrops: des distributions de crypto-monnaies natives, normalement réservées à une poignée d’utilisateurs ayant aidé à tester un projet décentralisé. De plus, chaque abonné fondateur reçoit un NFT The Big Whale, un jeton non-fongible dont l’unicité est confirmée par la blockchain. Ils agissent comme titres de propriété relatifs à chacun de ces abonnements et peuvent être cédés ou vendus selon le désir de leur détenteur. En nombre limité, ces NFT et les abonnements qui y sont rattachés prendront potentiellement de la valeur en fonction du succès du média.
Si la newsletter moderne est aujourd’hui un lien fort entre les auteurs et leurs publics, les outils du Web3 et les NFT permettent donc de valoriser toujours plus les expériences communautaires et récompenser les membres les plus actifs et généreux. Ils permettent également une plus grande interaction entre auteurs et lecteurs, et orientent la ligne éditoriale des newsletters et des médias afin de répondre aux mieux aux attentes de leur public.
Illustration : Markus Winkler sur Unsplash