À l'ère où les réseaux sociaux dictent la guerre des idées, un duel impitoyable éclate entre Elon Musk et le juge Alexandre de Moraes, l'un des procureurs les plus agressifs au monde contre la désinformation : qui, des géants de la tech ou des États, contrôle vraiment l'avenir de nos démocraties ? Leur conflit a pris une tournure décisive lorsque Moraes a ordonné la suspension de X (anciennement Twitter) au Brésil le samedi 31 août. Liée au refus de Musk de bloquer des comptes accusés de désinformation, cette décision reflète également une bataille d'ego entre deux hommes. Musk, qui surnomme Moraes "Voldemort", défend la liberté d'expression. Moraes accuse Musk de faire illégalement obstruction à son travail visant à assainir l'internet brésilien et à supprimer les discours haineux et les attaques contre la démocratie. Bien que Musk se présente comme un champion de la liberté d'expression, X a cédé à 83 % des demandes de retrait de contenus de gouvernements autoritaires. Preuve d'un décalage entre son discours et les actions de son entreprise.
🇧🇷🇧🇷🇧🇷Free Brazil! 🇧🇷🇧🇷🇧🇷 https://t.co/BLGSFAVUQ5
— Elon Musk (@elonmusk) September 5, 2024
Mais en attendant, le discours sur la liberté d'expression semble avoir changé de camp. The Economist remarque que « ce qui a changé, c'est qu'aujourd'hui les objections les plus bruyantes à la répression de la liberté d'expression viennent de la droite, comme Elon Musk, le patron de X, tandis que de nombreux libéraux autoproclamés applaudissent ce qu'ils considèrent comme un coup porté contre les milliardaires soutenant Trump. »
Pour la politologue Asma Mhalla, le bras de fer entre Elon Musk et Alexandre de Moraes ainsi que l'arrestation de Pavel Durov (fondateur de Telegram) illustrent une réalité contemporaine préoccupante : les réseaux sociaux sont devenus des "espaces géopolitiques de luttes informationnelles". Ils ne sont plus de simples plateformes d’échange ou de divertissement, mais des champs de bataille où s’affrontent des idéologies, des nations et des intérêts privés. Asma Mhalla souligne que les Big Data, ces entreprises qui contrôlent la collecte et la gestion des données mondiales, sont désormais des acteurs politiques, idéologiques et même militaires.Qui décide de ce qui est considéré comme acceptable ou non dans les discussions publiques ? Sur quels critères ? Quels intérêts ces décisions servent-elles réellement ?
There will almost certainly be some outages and performance issues. We've never seen traffic like this. Hang with us!
— Paul Frazee (@pfrazee.com) Aug 30, 2024 at 22:57
Du côté des Brésiliens, les sondages montrent une préférence marquée pour WhatsApp et Instagram plutôt que pour X. En 2022, seulement 3 % des Brésiliens utilisaient X comme principale source d'informations politiques. Depuis la suspension de X au Brésil, plus d'un million de Brésiliens se sont tournés vers Bluesky, une plateforme créée par Jack Dorsey, fondateur de Twitter.En quelques jours, Bluesky a enregistré 2,6 millions de nouveaux utilisateurs. Dans un message publié sur son blog, l'entreprise indique que plus de 85 % des nouveaux utilisateurs sont brésiliens.
Cette situation pose la question fondamentale : comment trouver l’équilibre entre la protection de la souveraineté nationale et le pouvoir des entreprises technologiques transnationales ? Dans ce nouvel ordre numérique, la ligne entre défense de la démocratie et censure devient de plus en plus floue. Le défi pour les démocraties sera de concilier la liberté d'expression, la lutte contre la désinformation et la préservation de leur souveraineté face à l'influence croissante des géants de la tech.
CETTE SEMAINE EN FRANCE
- Podcasts : ETX Majelan accélère dans l'audio à destination des professionnels (Les Echos)
- Le Groupe Le Monde entérine dans ses statuts la mise à jour de sa charte d’éthique et de déonologie (La Correspondance de la Presse)
- Le JT de 20 heures France 2 va être allongé pour durer une heure (Le Monde)
- Xavier Niel est entré au board de ByteDance (maison-mère de TikTok) (The Information)
- Julien Pain se lance sur Twitch (LinkedIn)
- Vers un « bannissement numérique » des élèves reconnus coupables de cyberharcèlement (next)
- Le mauvais sketch de Blast avec ses « Guignols de l’info » maison (L’informé)
- Le groupe La Dépêche entre au capital de DC Company (Konbini, Le Gorafi…)(La Dépêche)
3 CHIFFRES
- 9000 dollars par jour, c’est le montant que doit payer toute personne au Brésil tentant d’utiliser X via un VPN, d’après une mesure du juge Moraes.
- Parmi les utilisateurs de TikTok, 33 % reconnaissent que la plateforme a joué un rôle dans leur choix d’aller voir un film récent au cinéma.
- Bluesky a ajouté plus de 2 millions d'utilisateurs brésiliens après que le Brésil a interdit le X d'Elon Musk, d'après Engaget.
LE GRAPHIQUE DE LA SEMAINE
Quatre réseaux sociaux attirent plus d'utilisateurs de la génération Z que la télévision linéaire.
Source : emarketer.
NOS MEILLEURES LECTURES / DIGNES DE VOTRE TEMPS / LONG READ
- Ce que le journalisme n'est pas (Stop the presses)
- Le « binge-watching », ou le besoin immémorial de s’immerger dans la fiction (The Conversation)
- L’entraînement de l'IA constitue une violation des droits d'auteur (Diskurs)
- Les YouTubeurs sont presque trop faciles à duper (Pas étonnant que la Russie trouve ses idiots utiles parmi ceux qui sont extrêmement actifs en ligne) (The Atlantic)
- Comment faire changer d’avis un chatbot ? (The New York Times)
Illustration : Aaron Fernandez - The New York Times.
DISRUPTION, DISLOCATION, MONDIALISATION
- La désinformation de gauche est en plein essor (New York Times)
- Yle doit faire face à des changements structurels et à d'importantes réductions budgétaires (Public Media Alliance)
- X, le réseau social de Musk, cède aux exigences de l'UE sur la protection des données liées au scraping de Grok AI (Bloomberg)
DONNEES, CONFIANCE, LIBERTÉ DE LA PRESSE, DÉSINFORMATION
- Vous voulez lutter contre la désinformation ? Apprenez aux gens comment fonctionnent les algorithmes (NiemanLab)
- Un vaste réseau pro-Narendra Modi utilise l'IA et des faux comptes pour saper le Pakistan (NewsGuard)
- Le réseau d'influenceurs de droite Tenet Media aurait diffusé de la désinformation russe (Wired)
Le YouTuber conservateur Benny Johnson. Photo-Illustration : Wired ; Getty.
LÉGISLATION, RÉGLEMENTATION
JOURNALISME
- De plus en plus de journalistes quittent les grandes villes et découvrent l'Amérique (Columbia Review)
- The Economist propose Espresso, son application d'actualités quotidienne en format court, gratuitement pour les étudiants du monde entier (The Economist)
- La famille Murdoch se dispute secrètement la succession. Des médias demandent à un tribunal de rendre l'affaire publique (CNN Business)
- La collaboration permet de préserver le journalisme indépendant au Venezuela (NiemanLab)
STORYTELLING, NOUVEAUX FORMATS
- Les studios adoptent la 'culture des créateurs et des mèmes' alors que des films comme Twisters et Beetlejuice Beetlejuice intègrent des mèmes dans leur marketing (Digiday)
- Un journal britannique a lancé une émission de débat politique qui a généré plus de 30 millions de vues sur YouTube (Press Gazette)
- Netflix tente de vous rendre accro à la télé-réalité avec un meilleur doublage (Wall Street Journal)
- Avec son application Narae, Mondadori veut convertir les lectrices de romance aux «webnovels» (Le Figaro)
- Bannière ou pas bannière : la fonction 'Open to Work' de LinkedIn met certains chercheurs d'emploi mal à l'aise. Mais peut-elle vraiment vous aider à décrocher un poste ? (Business Insider)
Illustration : Matt Harrison Clough pour BI.
ENVIRONNEMENT
- Il y a un angle possible sur le changement climatique dans chaque sujet de presse (Poynter)
RÉSEAUX SOCIAUX, MESSAGERIES, APPS
- Apple a contribué à faire annuler une partie d'un projet de loi sur la sécurité des enfants (Wall Street Journal)
- La Silicon Valley a soutenu Harris pendant des décennies. Rendra-t-elle la pareille ? (Washington Post)
- Pas d'écrans avant deux ans, recommande l'autorité de santé suédoise aux parents (The Guardian)
- TikTok élargit ses ressources pour les élections avant novembre (New York Times)
- TikTok aide à attirer les utilisateurs au cinéma, selon une étude (Hollywood Reporter)
- L'extrême droite allemande panique devant Telegram (Wired)
STREAMING, OTT, SVOD
- “C’est une période très difficile à Hollywood” : le monde des scénaristes se réduit (The Guardian)
- Le dirigeant de Sony parie sur le contenu original (Financial Times)
- X lance une nouvelle application pour TV connectée (Social Media Today)
AUDIO, PODCAST, BORNES
- YouTube développe des outils de détection de l'IA pour la musique et les visages, ainsi que des contrôles des créateurs pour la formation à l'IA (TechCrunch)
Web3, BLOCKCHAIN, CRYPTO, NFT
- Le crypto-business de Trump : Cela pourrait-il créer des problèmes s'il remporte l'élection ? (Euronews)
INTELLIGENCE ARTIFICIELLE, DATA, AUTOMATISATION
- L’IA générative peut amplifier les faux souvenirs (MIT)
- Les écoles coréennes en proie à la crise des deepfakes pornographiques (BBC)
- Canva affirme que ses fonctionnalités d'IA justifient l'augmentation de prix de 300 % (The Verge)
A 300% price increase is seriously insane, are they out of their minds? AI is such a scam. https://t.co/SkG0WztWV5 pic.twitter.com/56mm2VQFVZ
— Reid Southen (@Rahll) September 4, 2024
- Les applications de rencontre développent des « assistants » IA pour générer de meilleures phrases d'accroche (Financial Times)
- Les plateformes de médias sociaux alimentent la ruée vers l'IA avec de nouveaux outils créatifs (Digiday)
- OpenAI, toujours hantée par son passé chaotique, tente de grandir (The New York Times)
MONÉTISATION, MODÈLE ÉCONOMIQUE, PUBLICITÉ
- Google deviendra le sponsor principal de « Emily in Paris » de Netflix dans un partenariat axé sur le shopping (Hollywood Reporter)
- L'exode des annonceurs de X s'accélère, 26 % 'prévoient de réduire leurs dépenses (The Guardian)
- Le WSJ offre aux annonceurs une garantie de performance électorale (Adweek)
- Snapchat ajoute des Snaps sponsorisés pour élargir ses opportunités publicitaires (Social Media Today)
Par Kati Bremme, Alexandra Klinnik, Aude Nevo, et Océane Ansah