Et voici l’ère dotcom des robots ! Attention danger !
L’arrivée des robots dans nos vies quotidiennes et la vitesse à laquelle ils vont détruire nos emplois ont occupé une large part des discussions cette semaine à Austin, Texas. Les géants du web se positionnent, et Google, une nouvelle fois aux avant-postes, avertit déjà de possibles tensions sociales croissantes.
« Les robots arrivent ! En fait, non, ils n’arrivent pas… Ils sont déjà là. Et de quelle manière ! », résume Russ Tedrake, professeur et directeur du centre de robotique au MIT, lors du festival South by SouthWest.« Nous entrons dans l’ère dot.com de la robotique » et « notre plus grand défi sera d’apprendre aux gens à travailler avec eux ».
Mais aussi de faire face au déclin mécanique de plus en plus d’emplois, remplacés par des robots dans un environnement technologique qui croît de manière exponentielle.
Eric Schmidt est brutal sur le sujet : « Je suis très inquiet là dessus. Toutes les données montrent que ça va empirer (…) pour moi, c’est le sujet actuel le plus important pour les démocraties. »
Le patron de Google sait de quoi il parle : la robotique est le nouveau secteur à conquérir. Et il a pris de l’avance : ces six derniers mois, il a racheté huit sociétés de robots et emploie une flopée d’experts en intelligence artificielle.
Amazon, Microsoft, Intel, IBM ou Qualcomm sont aussi très actifs. Le monde entier en fait et les finance : les Américains, via des programmes fédéraux (y compris militaires), les Russes, les Chinois, les Coréens, les Japonais et les Européens.
Mais pour la première fois, le risque est de voir une avancée technologique ne pas améliorer la qualité de la vie (ou peut être déboucher sur le communisme!)
Bientôt bien plus de robots que d’humains
« Ces 5 ou 6 dernières années, les robots sont devenus tout bonnement incroyables », s’enthousiasme Russ Tedrake, professeur au MIT. « Ils sont désormais en mesure de voir notre environnement et de résoudre des problèmes ». « Ils vont dominer nos vies au cours des deux prochaines décennies. Et dans 30 ans, il y en aura plus que d’être humains. »
« En 2050, il y aura certes 9 milliards d’être humains sur terre, mais probablement aussi plus encore de robots et de machines intelligentes », confirme Carl Bass, président d’Autodesk, grand fabricant d’applis professionnelles en 3D.
Qu’est ce donc qu’un robot ?
« C’est comme le porno, c’est quand on le voit, qu’on le reconnaît », assure Bass. « En tous cas, ni une imprimante 3D, ni un thermostat intelligent ».
Grâce notamment à l’extraordinaire essor des capteurs, ils ont aujourd’hui trois propriétés essentielles : ils peuvent ressentir l’environnement, s’y mouvoir et réagir.
Atlas le robot fabriqué par Boston Dynamics (aujourd’hui Google) pour le MIT:
Que savent-ils déjà faire ?
Prendre soin des personnes âgées, assister des opérations chirurgicales, délivrer des médicaments à l’intérieur du corps humain, conduire des voitures et des trains, assembler des véhicules, voler, bouger des choses, peindre, écrire de la musique, réaliser le design de monuments, etc.
« Ils remplacent déjà les tâches répétitives industrielles. Et ils vont commencer à remplacer certaines tâches intellectuelles répétitives », prévient Schmidt.
D’ailleurs, prédit Bass, « nous ne sommes pas si éloignés d’un scénario où un grand titre annoncerait qu’une Google Car a écrasé une famille de quatre enfants». Loin tout de même des 35 tués chaque jour sur les routes américaines, ajoute-t-il.
Et ne pas faire (… pour l’instant) ?
- Manipuler des objets inconnus,
- Comprendre une situation, prendre des décisions de haut niveau, trouver des compromis
- Danser avec grâce, jouer la comédie, écrire de la poésie, raisonner, consoler, rire !
Leurs limites actuelles
Aujourd’hui, les robots sont encore trop fragiles, trop chers. Ils ont besoin de beaucoup d’énergie, mais aussi de législations adaptées. Il est pourtant facile d’en démarrer la production grâce au partage open source (software et hardware) et demain d’en imprimer, selon nos besoins.
Quels problèmes pour le citoyen occidental qui sort à peine de la crise ?
La reprise économique actuelle ne s’accompagne pas, comme avant, d’une création massive d’emplois, beaucoup plus lents à revenir.
Pire : les opportunités sont de plus en plus inégales et la richesse créée ne profite qu’à un faible nombre de personnes.
« 99% des gens n’ont pas ressenti ces 10 dernières années d’amélioration de leur situation (…) l’Américain moyen ne tire pas profit de la mondialisation et de la numérisation », reconnaît Eric Schmidt. « La tension sociale peut empirer (…) notamment en Europe et au Japon dont les cultures sont moins favorables à l’entrepreneuriat».
« En même temps vous ne pouvez pas remettre le progrès technologique dans la bouteille », ajoute-t-il.
Il suffit pour cela de comparer trois géants d’un secteur clé en 1990 et en 2012 :
Résultat : 210 fois plus de valeur créée avec un même nombre de personnes.
Cette nouvelle vague dot.com « va entraîner un profond changement structurel de l’économie », prévient Carl Bass, également prof à Stanford. Pour déboucher probablement sur des emplois et de nouveaux secteurs plus intéressants, mais aussi avec nettement moins de monde.
Et si les jobs disparaissaient en masse ?
« Oui, les jobs vont changer. Certains disparaîtront. Nous espérons que ceux qui subsisteront seront plus intéressants », estime Russ Tedrake. « Il faudra surtout en inventer de nouveaux », ajoute Bass.
L’exemple des médias, déjà touchés
Les imprimeries et les libraires ferment. Les algorithmes remplacent des éditeurs et des directeurs de programmes. Netflix s’en sert pour commander ses séries et pour les recommander au public. Tout comme UpWorthy, plus grande croissance des sites d’infos de 2013, pour trouver les vidéos qui plairont.
« Les algorithmes, qui eux peuvent voir la réaction des consommateurs aux contenus, sont déjà plus puissants que de nombreux éditeurs aux Etats-Unis », assure son président Eli Pariser. « Les gens sont aussi sur Twitter et Facebook et attendent que des algorithmes leur amènent le contenu pertinent. »
Des robots ont assuré une bonne partie du tournage et de la lumière du film Gravity. D’autres écrivent des résultats financiers ou sportifs.
Déjà les gens parlent à leurs terminaux pour les faire fonctionner. La reconnaissance faciale, après la gestuelle, se répand. Des cartes pertinentes nous sont proposées (Google Now…). Avec l’essor des capteurs, les prochaines étapes déboucheront sur une nouvelle génération d’assistants personnalisés et d’environnements intelligents capables d’interpréter et d’anticiper nos besoins.
Puis, au fur et à mesure de l’apprentissage des machines et de l’ingurgitation des données, les tâches réalisées deviendront plus complexes, plus raisonnées.
Que faire alors ?
Au niveau individuel, apprendre le code:
Il faudra « apprendre le code pour savoir programmer » et « pas seulement parce que nous avons besoin de plus de développeurs, mais parce que nous avons besoin d’éduquer la société », estime Tim Berners-Lee, inventeur du web il y a 25 ans.
« Notre formation acquise en début de vie ne suffira plus », renchérit Daniela Rus, directrice du laboratoire d’intelligence artificielle du MIT. « Coderdeviendra aussi important que savoir lire, écrire et compter »
Pour Jared Cohen patron de l’innovation chez Google, « à l’époque de la guerre froide, il fallait apprendre le russe, après le 11 septembre, l’arabe, aujourd’hui il faut maîtriser le langage informatique. »
Mais « il faudra apprendre aussi aux enfants plus de sciences, plus de maths et également l’entrepreneuriat », prévient Carl Bass.
« Nous allons devoir changer beaucoup de choses. Créer de nouveaux types d’emplois et nous assurer que nous savons ce que nous faisons et que nous ne sommes pas aveuglés par ce que nous sommes en train de créer ».
Au niveau collectif, relancer les grands travaux et réduire le temps de travail :
Pour Eric Schmidt, s’abritant derrière des économistes, la solution passera par une réduction du temps de travail, un nombre plus important de gens en supportant financièrement d’autres, une meilleure éducation, plus d’immigration, plus de connectivité et beaucoup d’adaptation.
Pour Carl Bass d’Autodesk, les gouvernements devront mener des politiques de grands travaux d’infrastructure, et probablement, de manière plus radicale, assurer un revenu minimum à tous les citoyens (comme cela se fait déjà dans les Pays du Golfe, en Arabie Saoudite, en Alaska) assorti de quelques obligations civiques et remplacer l’impôt sur le revenus par une taxe à la production.
Pour Daniela Rus, vu côté américain, « un monde industriel parfait produirait des objets désignés aux Etats-Unis, personnalisés dans votre salon et fabriqués où on veut ».
Et pourquoi pas être payés par Twitter, Facebook et Google qui utilisent et revendent nos données ?
Car une fois que les robots seront plus nombreux que les humains et auront pris leurs jobs, deux questions vont se poser, résume Bass :
1 Que ferons-nous chaque jour ?
Prions pour que ces évolutions nous permettent de remplacer ce que nous devons faire par ce que nous voulons faire.
2 Comment serons-nous payés ?
Là, il faudra inventer des nouveaux emplois.
Enfin, allons-nous nous entendre avec eux ?
« Oui, grâce à notre créativité et notre imagination qui nous permettront de trouver l’harmonie avec nos nouveaux amis », assure le patron d’Autodesk.
A voir ! Bientôt!
Cheetah, autre robot de Boston Dynamics :