Par Clara Schmelck, billet journaliste invité.
Bloguée, Tweetée, débattue sur les sites de presse et des groupes audiovisuels, l’élection européenne 2014 a résolument investi les nouveaux médias. Pourtant, l’internet est resté en marge des débats de la campagne. Or, au delà des questions de gouvernance et des intérêts économiques qu’il représente, le numérique constitue un levier géopolitique majeur pour l’Union. Un enjeu sous-estimé par les acteurs politiques, estiment les jeunes de Youth Diplomacy, un think tank génération Y, soutenu notamment par RFI et France 24.
L’Europe, nain numérique ?
« L’Europe a t-elle encore un destin mondial », questionnait Le Forum « Open Diplomacy », qui s’est tenu le 17 mai à Paris, une semaine avant le scrutin du 25 mai. Le Think Tank organisateur, animé par des jeunes de la génération digitale, a résolument imposé les questions numériques au coeur du débat, en intitulant la première table ronde « L’Europe a t-elle un destin mondial » « L’Europe fait-elle face à la géopolitique du web? ».
Une façon de s’étonner que les questions numériques aient été à ce point tenues à l’écart des grands débats qui ont animé la campagne européenne. Il va sans dire qu’avec un taux de connexion supérieur à 50%, sur un total de 500 millions d’habitants et de 23 millions d’entreprises, le numérique a intégré la vie quotidienne des citoyens européens. Face aux géants GAFA américains, comment la première puissance économique mondiale pourra t-elle tirer son épingle du jeu ? Les maîtres des data seront-il les maîtres du monde ?
Comme le démontre le débat international sur la neutralité du net, la question traditionnelle d’une gouvernance garante de l’équilibre entre sécurité et liberté trouve sa transposition contemporaine sur l’internet.
Mais, il est difficile aux politiques européens de s’approprier un objet qui s’est développé hors du système des nations, et dont on s’aperçoit seulement aujourd’hui qu’il ne peut toutefois être externalisé des institutions politiques internationales.
Et, comment imposer l’Europe comme puissance politique numérique ?
Le morcellement et l’enchevêtrement des structures freinent l’avancée d’une politique de l’internet qui soit claire et univoque. Lors du NETmundial de Sao Paulo, le 23 avril, l’Union Européenne, en présentant un discours éclaté, a faiblement pesé dans les discussions.
Depuis les révélations Snowden en juin 2013 et les manifestations publiques contre la censure de l’internet en Turquie, les Etats de l’Union Européenne ont tendance à se représenter d’un côté, les américains, qui s’octroient un accès unilatéral aux données, et de l’autre, les régimes autoritaires qui exercent un contrôle répressif sur la totalité des flux de communication. La tiers place étant occupée par le Brésil : Le 26 mars 2014, Sao Paolo est devenu le fer de lance de la neutralité du net en adoptant au sénat le « Marco Civil da Internet ».
Sur cette nouvelle carte géopolitique du web, l’Union Européenne peine à se faire valoir en tant que réelle puissance numérique.
Orienter le numérique vers l’économie de la connaissance
Cette vision, qui lie exclusivement la destinée géopolitique de l’internet à celle de la neutralité du net, diminue l’importance croissante du numérique dans l’économie de la connaissance, qui constitue en fait un levier géopolitique majeur.
C’est ce qu’a bien compris le géant américain Google. Connue pour être un moteur de recherche, la firme de Mountain View consacre en réalité la part la plus importante de son activité à la biosécurité et aux technologies des énergies, des secteurs qui ont un impact géopolitique primordial.
L’Union Européenne se distinguerait en investissant davantage dans la recherche et le développement.
Pour ainsi dire, l’Europe a besoin d’un génie estonien qui invente dans son fablab local une technologie numérique développée ensuite dans la vallée de Saclay pour in fine, donner lieu à un produit made in UE qui séduira le marché mondial.
Les jeunes de Youth Diplomacy veulent imaginer une application paneuropéenne qui permettrait, par exemple, d’anticiper les risques naturels, de sorte à éviter des famines, et prévenir alors les déplacements de population qui peuvent en découler, avec les configurations géopolitiques que cela pose à moyen terme.
« L’Europe sera numérique ou ne sera pas », concluait l’animateur de la table ronde, non sans laisser planer une certaine imprécision quant au terme de « numérique », qui, depuis le début de la discussion, a concentré toutes les promesses de progrès, de liberté, de créativité, et d’union. Signe que l’Europe numérique se cherche encore.
Clara Schmelck, journaliste médias, Intégrales Productions